
Dans un chapitre du livre « Papilles et Molécules », qui explique la science aromatique créée par François Chartier, on trouve un exemple concret d’harmonies moléculaires offertes lors d’un repas proposé par Chartier, l’œnologue Pascal Chatonnet et le chef Stéphane Modat. Après une dégustation d’un Châteauneuf-du-Pape blanc, Château Beaucastel 2006, des notes de miel (phénylacétaldéhyde) et d’abricot/pêche (lactones) sont apparues comme les molécules (arômes) dominantes.
L’arôme du vin
L’interaction entre les convives et la discussion avec le chef ont abouti à un plat dominé par des ingrédients contenant les mêmes molécules que le vin blanc Beaucastel : coquilles Saint-Jacques à l’huile d’amande amère, salade tiède de fenouil à la mandarine impériale, mirin, poudre de maïs salé/séché. Ce plat était basé sur les profils aromatiques de deux molécules décrites lors de la dégustation : le phénylacétaldéhyde et les lactones.

Cet exercice de molécule pourrait être traduit par :
- Arômes du vin → arômes complémentaires (plats) → molécules dominantes.
Cet exercice d’harmonies moléculaires peut également être inversé :
- Arômes complémentaires (plats) → molécules dominantes → arômes du vin
L’harmonie des goûts
L’harmonisation entre les aliments et le vin ou d’autres boissons est un défi et une tâche complexe pour de nombreux sommeliers et amateurs de vin, chefs ou cuisiniers à domicile. Une dégustation qui utilise les clés de la science aromatique vous fera gagner du temps et vous permettra de réfléchir aux futures harmonies en utilisant la formule décrite ci-dessus.
En ajoutant les « arômes complémentaires » à mes notes des nombreux vins que j’ai dégustés, des accords spécifiques créés pour accompagner les menus de dégustation des restaurants où je travaillais ont commencé à se produire spontanément. Les harmonies sont venues naturellement.

Le cerveau accumule des informations qui lui seront utiles en temps voulu, en commençant par l’analyse des parcours aromatiques potentiels.
Plus cette base de données mentale est étendue grâce à votre curiosité, plus les harmonies seront facilement réalisables et seront multiples, tant pour le choix des vins et des boissons, que pour la création ou l’adaptation de recettes créées « par et pour » le vin. De plus, de multiples harmonies sont possibles avec un même plat, en fonction des goûts des convives.
Quelques réalisations et essais
Avec un plat comme le traditionnel Lièvre à la Royale, un vin Cabernet Sauvignon vieilli en fûts de chêne, avec une note d’évolution, fonctionne parfaitement. La raison en est simple : l’arôme complémentaire du plat contient 90% de chocolat noir et de truffe noire, tous deux liés par la molécule de trisulfure de diméthyle, que l’on retrouve également dans le vin mentionné ci-dessus.
J’ai servi un saké ginjo junmai frais avec un ceviche, car le « tiger leche » s’accordait parfaitement avec les notes de pomme verte associées à l’éthyle qui domine dans ce type de saké.
Des essais sont indispensables pour trouver l’harmonie parfaite et atteindre ce que Chartier appelle le « nirvana harmonique ». Une chose est sûre, cette gymnastique intellectuelle conduit toujours le sommelier qui l’utilise dans une zone de « confort aromatique ». Il y a harmonie parfaite avec le verre et l’assiette lorsqu’il y a harmonie aromatique ; on peut dire la même chose de la musique : lorsque les notes sont dans la même tonalité, il y a harmonie. C’est tout simple !
D’autres facteurs peuvent inclure la magie possible de la texture, l’expressivité du jour, l’impact du millésime choisi, le style du producteur, etc. Nous parlons d’une expérience personnelle, la subjectivité, qui fait que le sommelier ou le convive aime ou n’aime pas quelque chose et nous permet de remettre notre perception humaine au centre des harmonies.
J’aime considérer les molécules aromatiques comme des ponts entre les aliments, le vin et les autres boissons. Les molécules me permettent de relier les aliments et les boissons avec une logique scientifique. Si l’on laisse de côté l’étape moléculaire, qui peut être fastidieuse et chimiquement compliquée, d’autres « raccourcis » sont possibles : il suffit d’apprendre les combinaisons possibles entre les ingrédients pour remplir ce fameux « bagage aromatique. »
À partir du moment où l’on comprend que l’olive noire s’harmonise avec les vins de Syrah ou que la menthe fraîche entre en synergie aromatique avec les vins de Sauvignon Blanc (ou avec des vins similaires, comme le Verdejo, le Furmint ou le Cortese), il n’est pas nécessaire de posséder la science qui se cache derrière ces harmonies aromatiques. Tout ce que le sommelier doit faire, c’est utiliser cette nouvelle feuille de route harmonique.
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